MYSTERIEUSE ETYMOLOGIE DU MOT LABYRINTHE[1]
Les plus anciennes représentations du labyrinthe datent probablement du IIIe millénaire av. J.-C. Au mot, il est attribué de multiples origines parmi lesquelles :
a. le radical la exprimant l’idée de coupe dans le roc ;
b. le mot grec labrys (double hache) et le suffixe préhellénique inthos (maison) ;
c. le mot fondé sur la racine Or-Our (gigantesque en indo-européen), d’où le labyrinthe aurait désigné préambulairement un « pattern de grosses pierres » ;
d. laburinthos (jeu du poisson pris au piège dans une nasse) ;
e. de labor intus : le travail étant une punition issue de la désobéissance des hommes, le labyrinthe évoque la voie à parcourir afin d’atteindre le salut ;
f. une référence aux symboles du Grand Œuvre à réaliser ; en Alchimie, il s’agit d’entrer dans le labyrinthe pour en sortir transformé au cours du voyage de retour.
TENTATIVE D’UNE TYPOLOGIE DES GENRES, DES TRACES, DES FORMES LABYRINTHIENNES
Une des typologies des plus célèbres est celle de SANTARCANGELI [2] :
— Selon qu’ils aient été ou non l’œuvre de l’homme, on parlera de labyrinthes naturels, artificiels et mixtes ou encore de labyrinthes fortuits, accessoires et intentionnels.
— Selon le nombre de voies, on parlera de labyrinthes monopériples ou polypériples.
— Selon le tracé, on distinguera les labyrinthes géométriques et irréguliers ; à schéma fixe, irrégulier ou mixte.
— Selon la forme du parcours, on dira qu’un labyrinthe est à tournants rectangulaires, arrondis ou mixtes.
— Selon la forme occupée par le parcours sur le plan, le labyrinthe sera qualifié de rectangulaire, de circulaire ou d’une autre forme.
— Selon la conception générale du dessin, il sera question de labyrinthes symétriques ou mixtes.
— Selon la relation entre la somme du parcours et la surface occupée par celui-ci, le labyrinthe sera considéré comme compact, diffus ou mixte.
— Selon que l’on considère le centre, le labyrinthe sera a-centrique, mono- et polycentrique.
— Selon l’espace occupé, on dira d’un labyrinthe qu’il est bi- ou tridimensionnel, aux embranchements simples ou complexes.
Si on excepte les labyrinthes dansés — où au cours d’une farandole on s’échappe du monde inférieur — et les labyrinthes écrits, une autre typologie[3] est celle qui distingue leurs contenants et leurs contenus.
— tridimensionnels
* naturels (de type grotte)
* construits
* mixtes (ceux figurant dans les jardins)
— bi-dimensionnels (décorations en surface)
* de type monumental (cercles de pierre, pavements…)
* de petite taille (type Visby, à spirale…)
b) Genres de labyrinthes comme contenus :
— plusieurs parcours possibles,
— à parcours unique.
Par rapport aux tracés labyrinthiques[4], citons ceux :
— des pictogrammes sumériens,
— des hiéroglyphes égyptiens,
— des écritures crétoises,
— des hiéroglyphes hittites,
— des pictogrammes de la Vallée de l’Indus,
— des pictogrammes de l’Ile de Pâques,
— des pictogrammes de l’écriture runique,
— des pictogrammes de l’écriture chinoise,
— des écritures précolombiennes…
Par rapport aux formes labyrinthiques, pensons :
— à la svastika (linéaire, aux extrémités soudées…),
— à l’assemblage de la croix à deux dimensions et au carré né de la juxtaposition symétrique de quatre croix,
— aux ovales formant la base d’une structure à rhomboïdes concaves,
— aux signes dualisés,
— au tressage,
— aux plans superposés,
— aux illusions d’optique…
Rappelons aussi l’éternelle question : une image identifiée comme représentation est-elle innée ou doit-elle, au préalable, être vécue avant d’être intériorisée dans l’inconscient sous forme de souvenir ?
A moins que l’on ne puisse, comme le prétend BACHELARD[5], « n’étudier que ce qu’on a d’abord rêvé », telles des « mailles dans une toile d’araignée »[6], les drames mythiques qu’il véhicule liaisonnent, en les opacifiant, localisations, personnages, récits et rituels.
Citons pêle-mêle, en guise de localisations, les aires culturelles de la Méditerranée et tout particulièrement la Crête, les Nouvelles-Hébrides, la Patagonie, l’Inde, le Tibet, l’Europe et spécialement l’Angleterre et la Scandinavie, les territoires occupés par les Zoulous…
Comme personnages et récits, évoquons Thésée, le Minotaure[7], Ariane, Dionysos, Dédale, Icare[8], le cheval de Troie…
Comme rituels, rappelons les rites crétois, le Zoroastrisme, le Mithraïsme et jusqu’au Zarathoustra-Dionysos ressuscité par NIETZSCHE[9]…
« La carte précède le terrain. »
J. BAUDRILLARD
A suivre…
Ann DEFRENNE-PARENT
[1] BERESNIAK D., Le labyrinthe, image du monde, Paris, Detrad, 1996.
[2] SANTARCANGELI P., Le livre des labyrinthes, Paris, Gallimard, 1974.
[3] VERBRUGGE A.-R., L’énigmatique secret des labyrinthes, Marne-la-Vallée, Dervy-Livres, Revue Atlantis, 1991, 365.
[4] FRUTIGER A., Des signes et des hommes, Denges, Editions Delta et Spes, 1983.
[5] BACHELARD G., Psychanalyse du feu, Paris, NRF, 1965.
[6] MAUSS M. Œuvres complètes, Paris, Karady, t. II, 1969.
[7] Dans le jeu de l’oie, une forme dégradée du voyage initiatique de Thésée, l’oie remplace le Minotaure.
LHOTE J.-M., Le symbolisme des jeux, Paris, Berg International, 1976.
En thérapie familiale, existe un jeu de l’oie systémique permettant de « réécrire l’histoire dans laquelle s’inscrit le drame familial ». Il évoque un lien protégé : les affrontements y sont évacués au profit de la découverte.
CAILLE P., REY Y., Les objets flottants, Paris, ESF Editeur, 1994.
[8] « Icare échoue du fait de la présence du soleil (…) : l’être est l’échec du sens (…) et c’est le sens qui échoue dans l’être (…). A la fin, il n’y a plus que la lumière. Icare n’atteint ni n’éteint le soleil. »
COMTE-SPONVILLE A., Traité du désespoir et de la béatitude, t. I et II, Paris, PUF, 1991-1992.
[9] NIETZSCHE explique cette herméticité dans la mesure où « l’homme labyrinthique » — comme il se qualifiait volontiers lui-même — est celui qui s’enfonce toujours davantage dans d’incessants méandres, vers « ce qui n’a plus d’assise ni de tête » (BACHELARD G., La terre et les rêveries du repos, Paris, Corti, 1980), afin d’accéder à la « vérité radicale ». KREMER-MARIETTI A, L’homme et les labyrinthes, Paris, Union Générale d’Editions, 1972.
« Toute organisation non seulement emprisonne les forces furieuses et dévastatrices qu’elle nourrit, mais aussi nourrit les forces furieuses et dévastatrices qu’elle emprisonne. »
E. MORIN
La « seconde cybernétique » (1) nous montre que le changement s’effectue selon des modèles circulaires et non plus linéaires d’interaction. Elle remplace la causalité mécaniste (x responsable de y) par l’étude des relations de causalité mutuelle qui amplifient les déviations (x et y considérés comme conséquences de leur appartenance au même système de relations circulaires).
La rétroaction positive en rend compte. Elle explique la différenciation des systèmes complexes et signe les débuts du questionnement sur leur comportement auto-éco-organisateur (2). Elle décrit la manière dont un système autonome et au comportement auto-éco-organisateur est co-responsable, dans son interaction avec l’environnement, du processus de construction de la réalité (3), laquelle devient lisible en termes de paradoxe (4). Elle est « accentuation, amplification, accélération d’un processus par lui-même sur lui-même » (5).
Alors que la régulation « ordonne » les processus antagoniques — lesquels vont supposer et appeler la rétroaction négative (6) — la rétroaction positive, elle, « signifie non seulement la désorganisation, mais le déchaînement de la désorganisation » (7). Elle se révèle ainsi comme « l’énergie du monde » (8).
Divers exemples peuvent illustrer la rétroaction positive et ses effets.
Les conséquences d’une panique s’irradiant de proche en proche dans une foule. Ou l’histoire célèbre du courtisan persan ayant fait présent à son souverain d’un échiquier et lui demandant, en échange, d’être gratifié d’un grain de riz pour le premier carré de l’échiquier, de deux grains pour le deuxième carré, de quatre grains pour le troisième carré et ainsi de suite. Le souverain ayant marqué son accord, il s’avéra que le dixième carré représentait 512 grains, le quinzième carré 16 384 grains. Bien avant d’arriver au soixante-quatrième carré, toutes les réserves de riz du pays étaient épuisées (9).
Ou bien la fente dans le rocher par laquelle l’eau peut s’infiltrer, geler, agrandir l’anfractuosité, par laquelle s’engouffre de plus en plus d’eau, jusqu’à permettre à des micro-organismes de s’accumuler et à une graine de devenir arbre, lequel peut s’entourer d’une végétation (10).
Ou encore une plaine dans laquelle s’installe un constructeur automobile, attiré par le faible coût du terrain. Pour diverses raisons de commodité, les travailleurs vont occuper les alentours, de plus en plus nombreux. Des activités connexes, une école, des magasins, une poste, une mairie, un bureau de police, des édifices de culte vont tout en même temps s’édifier. Vu la collectivité en présence, un hypermarché et un centre commercial ouvrent leurs portes et ainsi de suite jusqu’à transformer la bourgade en véritable ville. Des processus de rétroaction négative (11) vont entrer en interaction avec les processus de rétroaction positive, générant un comportement d’auto-éco-organisation et permettant ainsi l’émergence de l’autonomie du vivant (12).
De par la causalité mutuelle (13), l’Incertitude est prépondérante puisqu’il est impossible de prédire les « causes qui causent des causes à causer des causes » (14).
« … L’être spiralé qui se désigne extérieurement comme un centre bien investi, jamais n’atteindra son centre. L’être de l’homme est un être défixé. Toute expression le défixe. Dans le règne de l’imagination, à peine une expression a été avancée, que l’être a besoin d’une autre expression, que l’être doit être l’être d’une autre expression. »
G. BACHELARD
Dans un cas, c’est la rétroaction négative qui prévaut et sauvegarde la stabilité du système, imparablement éphémère à partir d’un point d’instabilité qui la contrecarre, et où tout pattern d’évolution redevient possible.
Dans un autre cas, c’est la rétroaction positive qui prévaut et entraîne l’éclatement des agencements du système jusqu’à un point où une rétroaction négative arrime à nouveau le système dans une nouvelle stabilité, immanquablement éphémère et contrecarrée elle aussi.
Dans certaines conditions, c’est la rétroaction évolutive qui prévaut. Dans ce cas, le système est poussé loin de son équilibre de départ, tout en maintenant encore une partie de ses paramètres initiaux. Le système est mis temporairement dans un état de déséquilibre qui l’amène à s’interroger sur lui-même.
A partir de quoi, il peut resurgir dans un état différent. La rétroaction évolutive se différencie ainsi de l’homéostasie stabilisatrice (rétroaction négative) et de l’amplification erratique (rétroaction positive).
« Si vous voulez trouver les secrets de l’univers, pensez en termes d’énergie, de fréquence, d’information et de vibration. »
Nikola Tesla
Si la physique quantique apporte aujourd’hui des applications concrètes dans de nombreux domaines, elle révolutionne aussi notre approche de la vie, car cette nouvelle science apporte la preuve irréfutable que l’esprit peut influencer la matière.
La physique quantique nous sommes d’appréhender la réalité en termes d’énergie. Ainsi de par leurs vibrations, nos pensées et nos émotions jouent un rôle déterminant dans tout ce qui nous arrive.
La science contemporaine nous apprend que tout ce qui relève du matériel — le corps humain, une voiture, un billet de banque… — est composé d’atomes.
Or, la télévision, le fax, l’ordinateur, le laser et le GPS sont nés de cette observation que l’atome, unité fondamentale de la matière, n’était pas une entité solide, mais une hiérarchie d’états d’information et d’énergie.
La matière est donc énergie et information.
De la notion de champ quantique
Nous baignons dans un océan d’énergie vivante. L’énergie quantique forme l’essence de l’univers reliant toutes choses, à la fois Cause et Substance. Elle est à l’origine de tout ce qui existe et de tout ce qui existera un jour. A l’échelon infinitésimal, les forces qui sous-tendent l’univers matériel sont électromagnétiques. Lorsque l’on observe au microscope électronique n’importe quel objet, on s’aperçoit qu’il est composé d’électrons. Au fur et à mesure du grossissement, il se transforme en tourbillons de vibrations. La matière est donc de l’énergie ralentie au point de se rendre visible.
Planck et Einstein ont été les premiers scientifiques à aborder le monde en termes d’énergie. Heisenberg, Schrödinger et jusqu’à récemment Haroche[1], prix Nobel de Physique en 2002, ont également consacré leurs recherches à l’approche énergétique de l’Univers qui constitue un des plus grands défis scientifiques de notre époque.
Le plus important dans nos vies se déroule à un niveau invisible, dans le domaine quantique où tout est énergie et information. Rien n’est statique malgré les apparences. Lorsque l’on étudie un objet matériel au microscope électronique, on se retrouve face à un tourbillon d’électrons. Seule l’illusion de nos cinq sens nous prive de la perception que la matière est aussi énergie.
Illustrons notre propos : au moment où vous lisez ces lignes, peut-être avez-vous la tête en bas ou bien ce sont d’autres êtres humains à l’opposé du globe qui peuvent l’avoir. Bien sûr, nos cinq sens ne le perçoivent pas, car la terre tourne sur son axe à une telle vitesse et nous n’en avons pas la moindre conscience. Cette énergie primordiale de l’Univers grâce à laquelle tout existe étant invisible, nous avons eu pendant trop longtemps tendance à la nier.
Ainsi, la plupart des hommes ont oublié leur relation intime avec ce principe de vie.
Même si certaines philosophies anciennes développaient déjà l’idée d’un monde d’énergie. Une des premières conséquences de cet « oubli » a été de les faire vivre dans la peur et de faire croire que nous sommes limités par les « lois » de la physique et de la biologie. Il est donc fondamental de comprendre que ce nous voyons comme un monde solide n’est absolument pas un monde solide et que ce que l’on a longtemps considéré comme le vide se révèle être un vaste champ d’énergie.
Nous créons notre réalité
La physique quantique a démontré que nos pensées sont magnétiques et que nous influons sur ce que nous observons puisque tout comme la matière, nos pensées sont aussi de l’énergie et de l’information.
Intuition pour certains, c’est au physicien français de Broglie que revient le génie d’avoir mis en évidence que chaque particule est aussi associée une onde de probabilités dont le comportement dépend de l’observateur. Ainsi, on constate qu’une particule reste une onde jusqu’au moment où elle est observée. Avant d’être observée, elle n’est qu’une possibilité mathématique. Ainsi, les électrons n’ont pas le même comportement selon qu’il y ait un observateur ou non. Cela signifie que si un observateur vient à porter son attention sur un électron, celui-ci va se comporter en particule. Dit autrement, tout ce qui est observé est affecté par l’observateur à tel point qu’il semble en devenir la source.
Notre monde est donc tel qu’il est parce que nous le regardons d’une certaine manière.
« Nous sommes ce que nous pensons. Tout ce que nous sommes résulte de nos pensées. Avec nos pensées nous bâtissons notre monde. »
Boudha
Une première conclusion évidente est que la plupart des problèmes dans notre société prendraient moins d’importance si l’on en parlait moins. Une telle observation implique que face à un quelconque problème, une clef majeure du changement est dans notre attention, dans notre manière de considérer les évènements et non seulement par nos actions. En clair, cela signifie que l’esprit a la capacité d’interagir avec la matière et que nous participons bel et bien à créer notre réalité.
Comme le fondement de l’Univers se situe au niveau quantique, chaque fois qu’une chose est manifestée dans le monde physique, cela commence sous la forme d’un désir, d’une intention, mais aussi malencontreusement d’une peur.
Un monde de possibilités…
… ou de la loi d’attraction
Evidence, simple constatation : nous évoluons parce que notre environnement extérieur change.
Changeons de perspective : le monde extérieur se modifie quand c’est nous qui changeons.
La loi d’attraction est en relation directe avec la théorie quantique.
Selon celle-ci, consciemment ou inconsciemment, nous attirons dans notre vie immanquablement, les choses auxquelles nous accordons notre attention.
Dès lors, il est possible, à chaque instant, de prendre conscience de la nature positive ou négative de la vibration que l’on émet en identifiant le sentiment, l’émotion que l’on ressent.
Par exemple si je connais une impatience joyeuse à l’idée d’entreprendre quelque chose qui me passionne, je mets en place les conditions d’un succès probable. Par contre, si au contraire, je ressens de la colère ou de l’inquiétude, je mets en place des conditions propices à de futures difficultés.
« Se lamenter sur un malheur passé, voilà le plus sûr moyen d’en attirer un autre. »
William Shakespeare
Ni bonne ni mauvaise, la loi d’attraction est seulement ce que nous en faisons. L’énergie va où se porte notre attention, donc sur ce que nous voulons, mais aussi sur ce que nous ne voulons pas.
Quelle que soit la nature de l’énergie émise bénéfique/maléfique, la loi d’attraction attirera toujours davantage de cette énergie vers nous. Nous avons donc de par notre volonté, notre libre arbitre, le pouvoir de choisir le type de fréquence que nous désirons alimenter.
Une telle observation ouvre les portes d’un monde de possibilités où chacun peut s’engager à devenir un acteur de sa réalité.
La théorie quantique nous permet de prendre conscience que nous évoluons dans un monde de possibilités et non dans un monde de limitations.
« Le bonheur, dans votre vie, dépend de la qualité de vos pensées. »
Marc Aurèle
Ann Defrenne
1/12/2022
[1] Haroche S., La lumière révélée. De la lunette de Galilée à l’étrangeté quantique, Odile Jacob, 2020.
Haroche S., Raimond J.-M., Brune M., « Le chat de Schrödinger se prête à l’expérience » [archive], La Recherche, no 301, 31 août 1997, p. 50.
Acte 1 : Planck et Einstein
Invention du premier quart du dernier siècle, ce changement de paradigme qu’est la théorie quantique nous explique plus finement le monde et nous repositionne par rapport à lui du point de vue épistémologique.
En un premier temps, celle-ci est intégrée par la physique, et ce dans la plupart de ses branches (toute la haute technologie qui nous environne en découle).
La théorie quantique concerne le monde microscopique, celui de l’infiniment petit dont elle sonde les entrailles en étudiant les atomes et les particules quantiques (électrons, photons, protons…) et les champs.
Petit historique de cette « révolution » et de ses implications.
A la fin du XIXe siècle, les savants sont dans un état fébrile frôlant le délire prométhéen. L’esprit rationnel est triomphant. L’homme domine de sa pensée et de ses technologies la nature.
Tout semble avoir été élucidé. Les progrès techniques sans précédent qui ont permis la révolution industrielle et l’amélioration du confort matériel valident ce succès (lois de l’électromagnétisme, de la chimie, de la gravitation, de la thermodynamique). Solidement assises sur des équations mathématiques, dans tous les domaines de la physique, ces lois rigoureuses sont à disposition. Celles-ci permettent d’expliquer les phénomènes observés dans la nature ou en laboratoire, de prédire des résultats nouveaux et d’inventer des technologies.
Cette science matérialiste et réductionniste chasse de son champ d’études la conscience et la pensée, car non matérielles. Elle évacue aussi de son discours l’hypothèse de Dieu. La nature est perçue comme sans âme. Une machine d’une inouïe complexité, mais dont on doit pouvoir démonter les pièces, les engrenages. Ainsi les sciences du vivant suivent ce même chemin mécaniste que la physique. On dissèque, pour les analyser, les êtres vivants, on les dissocie en organes, en cellules, puis en organites, en molécules…
Le nec plus ultra de cette vision « horlogère » du vivant s’exprime dans le jeu de Lego des protéines et de l’ADN. Quant aux neurologues, ils désassemblent le cerveau en zones responsables de telle ou telle part de notre expérience, en réseaux de neurones qu’affectionnent tout particulièrement les informaticiens et envisagent la conscience comme simple conséquence de cette machine à traiter l’information qu’est le cerveau…
… cependant, il restait deux ou trois problèmes non réglés concernant les ondes lumineuses…
L’effet photoélectrique notamment : la façon dont la lumière interagit avec un métal dans l’ultraviolet.
Et « le rayonnement du corps noir » ou l’allure du spectre lumineux d’un objet que l’on chauffe. Ce spectre thermique (intensité de la lumière en fonction de la longueur d’onde) adopte une forme de cloche très particulière, qui ne dépend que de la température de l’objet qui le rayonne. Un exemple en est la couleur du métal dans une forge, qui change avec la température. La théorie ondulatoire de la lumière (on savait que la lumière était constituée d’ondes électromagnétiques) ne fournissait aucune explication.
Un autre exemple plus spectaculaire est le rayonnement « cosmologique » émis par l’Univers lors de sa prime jeunesse et découvert dans les années 60.
C’est en 1900 qu’un jeune physicien allemand Planck en trouve l’explication. Pour retrouver par calcul le spectre du corps noir, il recourt à une astuce mathématique : il fait « comme si » l’énergie emportée par la lumière à chaque longueur d’onde était une accumulation de nombreux paquets transportant chacun une quantité d’énergie minuscule. Eurêka, il retrouve exactement la forme des spectres mesurés ! C’est le même principe que les « pixels » d’un écran d’ordinateur. Les images paraissent lisses, mais en les grossissant avec une loupe on observe des petites unités qui composent l’écran.
Ainsi, ce que Planck découvre pour l’énergie de la lumière, c’est qu’à notre échelle elle nous paraît bien lisse, mais qu’elle est en réalité granulaire. Et ces grains de lumière, ce sont les « photons ».
C’est alors que le jeune Einstein entre en scène en reprenant le concept pour l’appliquer à l’effet photoélectrique. Et bingo ! il résout cet autre mystère de la lumière !
Cette découverte fondamentale de Planck et Einstein consiste à quantifier une grandeur physique qu’on appelle « l’action » (ou produit de l’énergie par le temps). Dit autrement, cette grandeur physique ou « action » est composée de « briques » élémentaires qui ont toute la même valeur. Cette brique d’action ultime s’appelle le « quantum d’action » ou encore la constante de Planck. Elle est minuscule, mais elle n’est pas nulle et c’est ce qui fait que le monde est comme il est !
Ainsi, ce concept délicat à saisir, à savoir que la lumière est tout en même temps onde électromagnétique et granulaire constituée de photons, particules sans masse qui transportent chacune un « quantum » d’énergie est le premier pavé jeté dans la mare de la physique. Ces aspects ondulatoires et corpusculaires de la lumière semblent à première vue incompatibles, contradictoires. Dans certaines expériences (par exemple la diffraction par un petit trou percé dans un écran) la lumière se manifeste comme une onde. Dans d’autres, sous la forme de corpuscules.
Second pavé dans la mare, quinze ans plus tard, le physicien français de Broglie.
Il se dit que les particules qui composent la matière (les électrons, les noyaux d’atomes) devraient être observées de plus près ; ne sont-elles pas, sous certaines conditions, aussi des entités ondulatoires ? Intuition confirmée. L’onde associée à la lumière est un champ électromagnétique qui se propage dans le vide. Il était logique d’associer à l’« onde de matière » de de Broglie un autre « champ de force ».
Acte 2 : L’Ecole de Copenhague
1920, la question de la nature de l’onde de matière bouscule les acquis de la physique classique. Niels Bohr[1], Erwin Schrödinger[2], Werner Heisenberg, Wolfgang Pauli[3], Paul Dirac[4] vont poursuivre le chemin.
Pour les tenants de l’« interprétation de Copenhague », l’onde de matière associée à l’électron et toutes les autres particules de matière (neutrons, protons et particules subatomiques sont bientôt découverts) ne correspond à aucun champ physique.
L’entité qui pulse et se propage à la manière d’une onde est une « densité de présence » de la particule de matière. Elle ne décrit qu’une « potentialité » de la particule à exister à tel endroit et tel instant. Cette onde de probabilité quantique est comme une vague, capable de se déplacer, de diffracter, de faire des interférences… ainsi, si l’on regarde une crête de l’onde, on sait seulement que la particule a de grande chance de s’y trouver, mais elle n’y est pas forcément.
Tel est l’aspect révolutionnaire.
La physique classique décrivait un monde où les choses et leurs caractéristiques existent de « façon certaine », que l’humain soit présent ou pas. On utilisait les probabilités quand on ne disposait pas des informations nécessaires pour faire des calculs rigoureux.
Par exemple, pour un gaz constitué de milliards d’atomes dont il faudrait connaître toutes les positions et les vitesses afin d’en prédire la trajectoire : la thermodynamique des gaz était nécessairement une science statistique.
Avec la physique quantique, le sens que prennent les probabilités dans les calculs est tout autre. Il n’y a pas de « certitude » nous échappant pour cause de complexité, mais une « indétermination », un « flou » inhérent à la nature intime du monde.
Les calculs quantiques nous décrivent avec une immense précision le comportement d’entités qui ne sont pas totalement « incarnées ». Un objet quantique ressemble à un fantôme et non à un objet bien identifié et localisé. Il peut se trouver ici ou là, ou plutôt ici ET là, et assumer en même temps des propriétés distinctes, voire même incompatibles.
On parle de superpositions d’états quantiques. Comme des calques posés les uns sur les autres.
L’objet existe potentiellement avec une certaine quantité de mouvement, un certain moment magnétique, un certain mode, etc. Le calcul quantique va prédire de manière très précise son comportement « probable », mais il sera incapable d’affirmer ce que telle mesure donnera. L’objet quantique sera identifié et localisé avec ses différents attributs seulement s’il y a une mesure, une observation. Il dispose d’une liberté insolente et « joue » avec une palette de possibilité sans choisir. Les différentes possibilités interfèrent entre elles, s’annulent, se respectent, à la manière des ondes.
Le véritable substrat de la matière est l’écheveau de toutes les possibilités non encore « réalisées » !
Ann Defrenne-Parent
17/10/2022
[1] Niels Bohr a proposé que les électrons, les protons, … étaient à la fois des particules et des ondes.
[2] Erwin Schrödinger a découvert l’équation d’onde qui porte son nom.
[3] Wolfgang Pauli a décrit les particules élémentaires des champs quantiques.
[4] Paul Dirac prédit l’antimatière en mettant la relativité dans les équations d’ondes de mécanique quantique pour l’électron Fermion.
Les notions d’ordre et de désordre sont habituellement envisagées à une échelle donnée.
Ainsi, la mécanique statistique décrit comment un ordre macroscopique émerge du désordre microscopique des molécules en agitation thermique. Mais il existe des phénomènes, dis « critiques » où ce désordre microscopique est amplifié, jusqu’à devenir observable à notre échelle.
Qu’il s’agisse des phénomènes liés à la vie, des réactions chimiques, les processus irréversibles abondent dans la nature, et pourtant les équations fondamentales de la dynamique sont réversibles.
Cependant, le second principe de la thermodynamique affirme l’existence d’une irréversibilité macroscopique alors que les physiciens estiment que cette notion n’a pas de base objective à l’échelle microscopique.
Traditionnellement perçue comme activité qui vise à découvrir l’ordre de la nature, à révéler l’ordre caché des choses, la science d’aujourd’hui se décode concomitamment en termes de désordre.
Ainsi, les fluctuations de la Bourse, l’écoulement d’un torrent, la propagation d’une épidémie et bien d’autres phénomènes ont révélé aujourd’hui que leur aspect désordonné résultait bien d’un désordre organisé occulté par notre première impression provisoire résultant de notre incompréhension.
Dans quelles conditions l’eau traverse-t-elle le percolateur de la machine à café qui est un filtre, comment un feu se propage-t-il dans une forêt, une épidémie se répand-elle dans une population ?
Si à priori, ces trois problèmes semblent paraître sans lien, ils posent néanmoins tous les trois le même questionnement : comment une connexion s’établit-elle d’un bout à l’autre à partir d’un ensemble d’éléments qui ne sont reliés entre eux que partiellement et de façon aléatoire ?
Chaque moment de l’existence est une négociation et un affrontement avec le risque et l’incertitude. Dans notre monde où il n’y a que du désordre et de l’imprédictible, si l’on veut être acteur de sa vie et vivre debout, il va falloir dialoguer avec l’Incertitude et fonder sa pensée sur l’absence de fondement. Incertain empirique, incertain théorique, incertain cognitif, car nos catégories mentales ne peuvent réussir à saisir des réalités inconcevables comme l’origine du monde…